Premières vues sur l'Aksai Chin depuis le Kithai Pass |
Le topo indiquait "immense désert glacial"...
Glacial
? Moins 25°C au petit matin, c’est effectivement un brin frisquet. Tout
est gelé. La tente et le duvet sont recouverts d'une épaisse couche de
givre. Le platypus 4 litres et une bouteille d'eau restés dehors sont
transformés en blocs de glace. Difficile de se motiver pour bouger. Vers
7h du matin, les premiers rayons de soleil apportent un peu de
réconfort. On décolle vers 8h30, il fait encore à peine -15°. Mon câble
de frein arrière est bloqué, gelé. Impossible non plus de passer les
vitesses à l'avant. Au meilleur de la journée, il fait un bon +5° mais
rapidement le vent se lève à nouveau et le ciel se couvre. C'est
quasiment la même histoire tous les jours.
Rivière gelée... |
Désert ? Ça veut
dire pas d’eau, non ? J’aurais sans doute dû mieux suivre à l’école…
Borne kilométrique 540, le topo indiquait un point d'eau, rien à
l'horizon à part une vague flaque de boue. Il nous reste moins d'1 litre
chacun, oups... Km 579, dernier point d'eau avant 60km. Il s'agit en
fait d'une espèce de marre plus ou moins gelée en aval d'un camp
militaire d’où se dégage une forte odeur de souffre. Pas bien le choix,
il va falloir boire ça pendant 24hr... Même filtrée, c'est pas terrible !
Point d'eau suivant au km 639 : la rivière est gelée. Il y a qqs trous
d'eau stagnante sous une belle couche de glace... "Désert glacial" était
effectivement un bon résumé !
Tole ondulée ou caillasse, choisis ton camp ! |
A
un moment, quatre voitures arrivent en face, tous gyrophares allumeés.
Céline est 200 mètres en avant. La 1ère voiture la croise sans
s’arrêter. Quand elle arrive à notre niveau, on peut lire nettement les
deux caractères "公安" en gros sur les portières et "police" sur le capot.
Pierre et moi nous regardons perplexes. Il s'agit bien de la PSB. La
fin de la recréation va-t-elle sonner ? La voiture passe devant nous
sans broncher. Nous observons au loin les véhicules suivants avec un
brin d'inquiétude, d'autant qu'ils font mine de ralentir. Le 4èrme
freine au niveau de Céline, deux types sortent. Mince. Nous pédalons
pour nous rapprocher. Les secondes semblent longues. Qu'est-ce que
Céline va leur avoir raconté ? Va-t-on s'en sortir avec une amende à
payer ? Va-t-on devoir faire demi-tour ? Vont-ils prendre nos passeports
? Bon cela dit, que peut faire une voiture seule (surtout qu'elle fait
partie d'un convoi qui a pris de l'avance) face à trois cyclistes ?
S'ils veulent nous expulser, il leur faudra un plus gros véhicule. Alors
que toutes sortes de réflexions me traversent l'esprit, les deux types
remontent dans l'auto et claquent la porte avant de redémarrer. Céline
tient victorieusement un gros sac de provisions à la main. J'ai stressé
pour rien. J'avais totalement oublié ces derniers jours que nous étions
tout de même à la merci d'une arrestation qui viendrait stopper notre
voyage. Cet épisode vient me le rappeler.
En
tout état de cause, que ce soit l'armée ou la police, tout le monde
sait que trois cyclos occidentaux se baladent sur les pistes du Tibet.
S'ils ne veulent pas que nous nous promenions par là, ils ne devraient
pas avoir de mal à nous arrêter, nous sommes sur la route du matin au
soir et pas bien loin la nuit. S'ils ne font rien, c'est a priori qu'ils
s'en contrefichent ou ont d'autres chats à fouetter.
Ça
fait bientôt 3 semaines que nous avons quitté l'agitation et la chaleur
de Kashgar. Nous arrivons à Tielong, mini village au pied de la
magnifique montagne du Sirengou, et dernier relai-routier avant d'entrer
officiellement au Tibet. Il ressemble à tous les autres
relais-routiers, en plus petit, simple alignement de baraques décrépites
arborant chacune un conduit de cheminée fumant, avec quelques camions
parfois arrêtés devant.
Les
menus ne sont pas très variés : riz ou pâtes, mais on a progressé et on
arrive maintenant à obtenir de la nourriture effectivement mangeable
(c'est à dire pas du piment pur), et on parvient même parfois à dégoter
une bière, luxe suprême. La télé fonctionne sur générateur de 18h à 22h.
Soap chinois, karaoke et émission de télé-réalité, c'est guère
différent de chez nous. C'est grâce à ce même générateur que nous
pouvons charger nos batteries d'appareil photo et d'ordi.
La
douche est sommaire : une bassine d'eau pour le haut du corps (c'est à
dire les mains et le visage), une autre bassine pour les pieds. Mais au
moins, ça permet de se laver (pfff, comme si on en avait besoin).
Face à Tielong : lac au pied du massif du Sirengou |
Décharge publique... |
Les abords de ces
relais-routiers sont absolument immondes, jonchés de tas de détritus en
tout genre sur lesquels se battent qqs corbeaux. Ajoutez à ça les
toilettes "in the open" où chacun fait où bon lui semble, et quelques
carcasses en décomposition d'animaux tombés d'un camion, vous avez le
tableau complet.
On
se demande vraiment comment des gens peuvent vivre ici toute l'année à
5150m d'altitude. Absolument rien ne pousse exceptés des cailloux. Le
ravitaillement (nourriture, essence pour le groupe électrogène, charbon
pour le chauffage) dépend entièrement des camions qui font la route
entre Kashgar et Ali, et il n'y a pas beaucoup d'animation en dehors des
allers et venues des convois militaires et de la visite de très rares
cyclo-touristes comme nous.
No comments:
Post a Comment